Mo Dao Zu Shi
Traduit par : Dragonfly Fantrad
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Tome 1 - Chapitre 57
Auteur : Mo Xiang Tong Xiu
Catégorie : Seinen
Genres : Action - Arts martiaux - Aventure - Comédie - Drame - Fantaisie -
Historique - Mystère - Romance - Surnaturel - Tragédie - Yaoi
Éditeur original : jjwxc
Noms Alternatifs : 魔道祖师 - Le Fondateur de la Cultivation Démoniaque - Le
Grand Maître de la Cultivation Démoniaque - The Founder of Diabolism -
The Grandmaster of Demonic Cultivation
Synopsis : Wei Wuxian, le créateur d'une méthode de cultivation démoniaque, haï et craint par
tous, a finalement été poignardé par son ami d'enfance et éliminé par des Clans puissants qui se
sont associés pour le supprimer, succombant au contrecoup de sa propre technique.
Treize ans plus tard, il se réincarne dans le corps du jeune Mo XuanYu, un homme aliéné mental et
gay, abandonné et maltraité par son clan dont il veut se venger, quitte à sacrifier son âme et son
corps pour ce faire.
Alors que Wei WuXian tente d'exaucer le souhait de son invocateur, il croise le chemin de Lan
WangJi, un brillant cultivateur et un rival de son passé. Ainsi débute une palpitante et hilarante aventure,
au cours de laquelle ils devront combattre monstres et spectres, résoudre des mystères et s'occuper
de l'éducation de jeunes disciples du clan, tout en flirtant plus ou moins légèrement au passage.
Peu à peu, Wei Wuxian réalise que le Lan WangJi indifférent et condescendant de son passé a
bien changé en l'espace de treize ans, et que celui-ci a bien plus de sentiments que son visage impassible
ne le laisse suggérer.
Mo Dao Zu Shi Tome 1 - Chapitre 57
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Tome 1 - Chapitre 57
Les trois poisons ②
Wei WuXian se tut un instant, et répéta :
« Il a rendu l’âme. »
Brusquement, le visage de Lan WangJi, sillonné de larmes reflétant la lueur des flammes, traversa
son esprit.
« Comment va Lan Zhan ? lâcha-t-il.
— Comment ça ? Il est rentré, rappela Jiang Cheng. Père voulait au départ qu’il soit escorté à Gusu.
Il a refusé. Vu comment il a pris la nouvelle, il devait savoir depuis longtemps que ce jour arriverait.
Après tout, étant donné la situation, aucune secte ne s’en tire mieux qu’une autre. »
Ils se rassirent sur la balustrade. Wei WuXian reprit :
« Des nouvelles de Lan XiChen ?
— Les Wen voulaient brûler le Pavillon de la Bibliothèque, non ? Des dizaines de milliers de livres anciens
et de partitions musicales. Les Lan en ont sauvé une partie et l’ont probablement confié à Lan
XiChen pour qu’il s’enfuie avec. C’est ce que tout le monde suppose. »
Wei WuXian contempla le ciel avant de répondre :
« C’est révoltant.
— Ouais. La secte Wen est révoltante.
— Pendant combien de temps vont-ils continuer à faire ce qui leur chante ? Il y a tellement de
sectes. Ne pourrait-on pas nous allier et… »
Soudain, ils entendirent une série de pas s’approcher. Un groupe de garçons en tenue d’entraînement
couraient dans le couloir comme des singes, en criant :
« Shixiong !!!
— Shixiong !!! Tu es vivant maintenant !!! s’extasia le shidi le plus jeune.
— Comment ça “maintenant” ? releva Wei WuXian. Je n’ai jamais été mort !
— Shixiong, j’ai entendu dire que tu avais tué une bête vieille de plus de quatre siècles ?! C’est
vrai ? Tu l’as tuée ?
— Moi, ce que je veux plutôt savoir, shixiong, c’est si tu as vraiment survécu sept jours sans
manger ?!
— Tu ne t’es quand même pas secrètement entraîné à l’inedia dans notre dos ?
— Le Xuanwu Sanguinaire est-il vraiment si gros ? Pourrait-il entrer dans le Port aux Lotus ?
— C’était rien de plus qu’une tortue, pas vrai ?
— Shixiong, tu as passé sept jours avec Lan WangJi de Gusu ? Et il ne t’a pas battu à mort ? »
Avec ce brouhaha, l’ambiance auparavant solennelle s’allégea soudain.
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Les blessures de Wei WuXian n’avaient jamais été bien graves : il ne les avait simplement pas
soignées et avait souffert de faim et d’épuisement. Cependant, il avait toujours eu une bonne constitution
: après que la marque sur son torse eut été soignée, sa fièvre disparut rapidement. En seulement
quelques jours, il était à nouveau en pleine forme. Après le chaos du Xuanwu Sanguinaire à la
Montagne du Ruisseau du Crépuscule, la “zone d’endoctrinement” mise en place à Qishan fut complètement
démantelée. Tous les disciples retournèrent à leurs sectes. Parallèlement, Wen Chao ne
réagit pas immédiatement. Profitant de la situation, Madame Yu réprimanda vertement Wei WuXian
et lui ordonna de ne pas mettre un pied hors de l’enceinte du Port aux Lotus, pas même pour s’amuser
dans le lac. Il n’avait donc pas d’autres choix que de tirer jour après jour sur des cerfs-volants
avec les autres disciples.
Peu importe à quel point un jeu est amusant, il finit par devenir lassant si on y joue tous les jours.
Ainsi, au bout d’environ deux semaines, l’intérêt des garçons se dissipa. Wei WuXian n’était pas vraiment
d’humeur non plus. Il tirait sans faire attention et laissa même Jiang Cheng rafler la première
place à quelques reprises.
Un jour, après les derniers tirs, Wei WuXian regarda le soleil couchant en se protégeant les yeux.
« Rangeons tout ça et arrêtons de jouer. C’est bientôt l’heure de dîner.
— Si tôt aujourd’hui ? » demanda Jiang Cheng.
Wei WuXian jeta son arc sur le côté et s’assit sur le sol, dépité.
« C’est ennuyant. Arrêtons-nous là. Qui a perdu le dernier tour ? Le perdant devra aller récupérer
les cerfs-volants avec le sixième shidi.
— Shixiong, se plaignit un disciple, tu es si calculateur. À chaque fois tu envoies quelqu’un d’autre
les récupérer. Tu n’as vraiment honte de rien.
— Je n’ai pas vraiment le choix, rétorqua Wei WuXian avec un mouvement de la main. Madame Yu
ne me laisse pas sortir, et elle est ici en ce moment. JinZhu et YinZhu sont peut-être en train de nous
surveiller en cachette, prêtes à me dénoncer au moindre faux pas. Si je sors, Madame Yu va me fouetter
à m’en lacérer la peau. »
Les shidi qui avaient obtenu les scores les plus mauvais se chamaillèrent en riant tandis qu’ils s’en
allaient récupérer les cerfs-volants. Jiang Cheng était debout, Wei WuXian était toujours assis, et discutaient
ensemble.
« Oncle Jiang est parti tôt ce matin, pourquoi n’est-il pas encore rentré ? demanda Wei WuXian. Reviendra-
t-il à temps pour dîner ? »
Ce matin-là, Jiang FengMian et Madame Yu s’étaient encore disputés. Quoique, parler de dispute n’était
peut-être pas approprié. Madame Yu s’était énervée toute seule, tandis que Jiang FengMian
avait pris sur lui durant tout l’échange. Jiang Cheng répondit :
« Il s’est rendu chez les Wen pour récupérer nos épées, non ? À chaque fois que je pense que ma
Sandu est en ce moment entre les mains de ces chiens de Wen, je… »
Il grimaça de dégoût.
« C’est dommage que nos épées n’aient pas encore un haut niveau d’énergie spirituelle. Si elles pouvaient
se sceller, personne ne pourrait les utiliser.
— Si tu cultives encore quatre-vingts ans, ce sera peut-être possible. »
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Soudain, quelques garçons accoururent jusqu’au terrain d’entraînement du Port aux Lotus, en criant
avec urgence :
« Quelque chose s’est passé ! Shixiong, shixiong, quelque chose est arrivé !!! »
C’était les shidi qui étaient partis chercher les cerfs-volants. Wei WuXian se leva en un bond.
« Qu’y a-t-il ?
— Où est le plus cadet ? interrogea Jiang Cheng. Pourquoi il manque l’un d’entre vous ? »
C’était vrai. Le plus jeune shidi était parti en premier, et n’était désormais plus nulle part en vue
« Notre shidi a été enlevé !
— Enlevé ?! »
Wei WuXian ramassa son arc, et demanda :
« Qui l’a enlevé ? Pourquoi ?
— On ne sait pas ! On ne sait pas pourquoi ils l’ont enlevé !
— Comment ça vous ne savez pas ? intervint Jiang Cheng, anxieux lui aussi.
— Ne vous inquiétez pas. Expliquez-nous clairement la situation.
— Quand… Quand nous sommes allés chercher les cerfs-volants, ils étaient par là, vraiment loin. Sur
place, on a vu une douzaine de gens, tous de la secte Wen, qui portaient leur uniforme. Il y avait des
disciples et des serviteurs, et à leur tête il y avait une jeune femme. Elle avait un cerf-volant
transpercé d’une flèche dans la main. Quand elle nous a vus, elle nous a demandé à qui il appartenait.
— C’était celui de notre plus jeune shidi, poursuivit un autre garçon. Quand on le lui a dit, la femme
s’est énervée et a crié : “comment oses-tu !” et ensuite elle a dit à ses hommes de s’emparer de lui !
— C’est tout ? demanda Wei WuXian.
Les autres acquiescèrent.
« On a demandé pourquoi ils l’emmenaient, mais la dame n’arrêtait pas dire qu’il avait commis un
acte de trahison et qu’il avait des intentions cachées, et elle a ordonné à ses hommes de l’emprisonner.
On ne pouvait rien faire, alors on est revenu aussi vite que possible.
Jiang Cheng jura.
« Ils n’ont aucune raison de l’enlever ! Qu’est-ce que les Wen veulent ?!
— Ouais ! C’est vraiment injustifié !
— Taisez-vous. Les gens de la secte Wen peuvent frapper à notre porte à tout moment maintenant,
fit remarquer Wei WuXian. Prenez garde à ce qu’ils n’entendent pas un mot qu’ils pourraient retourner
contre nous. Dis-moi, la femme, elle ne portait pas d’épée, pas vrai ? Elle est plutôt jolie,
avec un grain de beauté au-dessus de la lèvre ?
— Oui ! C’est elle !
— Wang LingJiao ! cracha Jiang Cheng plein de haine. Cette… »
Soudain, une voix froide et féminine s’éleva :
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« Pourquoi ce vacarme ? Ne puis-je pas avoir une journée de paix et de tranquillité ?! »
Madame Yu s’approcha, ses robes violettes virevoltant autour d’elle. JinZhu et YinZhu la suivaient,
l’une à droite, l’autre à gauche, en armure.
« Maman, l’interpella Jiang Cheng, les gens de la secte Wen sont là. Ils ont enlevé notre plus jeune
shidi !
— Vous braillez si fort que j’ai tout entendu de l’intérieur. Eh bien ? Ils l’ont enlevé, pas assassiné,
malgré ça, tu es déjà dans tous tes états. Est-ce ainsi qu’un futur de chef se comporte ? Calme-toi ! »
Sur ces mots, elle se tourna vers les portes du terrain d’entraînement. Une dizaine de cultivateurs
Wen habillés de robes à motifs solaires entrèrent un à un. À leur suite, une femme vêtue de couleurs
vives s’avança avec assurance.
La femme avait une silhouette gracieuse, et ses traits étaient enchanteurs. Le regard langoureux,
les lèvres cramoisies surmontées d’un grain de beauté sombre, elle était certes d’une grande
beauté. Cependant, elle était recouverte de joaillerie, comme si elle avait voulu mettre sur elle le
contenu d’une bijouterie entière et toute la passion que son amant lui prodiguait. Cela réduisait drastiquement
son charme. C’était Wang LingJiao, que Wei WuXian avait frappée si fort à Qishan qu’elle
en avait craché du sang.
« Madame Yu, me revoilà », déclara-t-elle.
L’intéressée resta de marbre, comme si lui adresser ne serait-ce qu’un mot aurait sali sa bouche.
Wang LingJiao descendit les marches de l’entrée principale. Ce n’est qu’à ce moment-là que Madame
Yu prit la parole :
« Pourquoi avoir enlevé un des disciples de ma secte ?
— Enlevé ? Voulez-vous dire celui que j’ai attrapé dehors ? C’est une longue histoire. Pourquoi ne
prenons pas le temps d’en parler après nous être installés à l’intérieur ? »
Une servante, sans invitation ni convocation, pénétrait l’enceinte d’une autre secte et exigeait sans
la moindre hésitation d’entrer “pour parler de ceci et cela” après s’être installée. L’expression de
Madame Yu se fit glaciale. Sur le dos de sa main droite, des veines pulsaient sous sa peau pâle, et le
doigt qui arborait l’anneau d’argent de Zidian tressautait.
« En parler après nous être installés à l’intérieur ? répéta-t-elle.
— Bien entendu. Je n’ai pas eu le temps d’entrer la dernière fois que je suis venu donner des ordres.
Après vous. »
À l’entente du mot “ordres”, Jiang Cheng renifla froidement. JinZhu et YinZhu semblaient elles aussi
en colère. Cependant, Wang LingJiao restait une favorite de Wen Chao. Ils ne pouvaient se permettre
de l’offenser pour le moment. Ainsi, même si l’expression de Madame Yu était ironique et que
son ton suintait de sarcasme, elle répondit :
« Bien sûr, pourquoi n’entrez-vous donc pas ? »
Wang LingJiao lui répondit avec un sourire, pénétrant pour de bon.
Néanmoins, bien qu’elle ait prétendu vouloir s’asseoir, elle ne s’installa pas immédiatement. Au lieu
de cela, elle fit le tour de la demeure, pleine de curiosité, donnant son opinion sur absolument tout :
« Le Port aux Lotus est vraiment sympathique. C’est si grand. C’est juste que les maisons sont un
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peu vieillottes.
« Les boiseries sont toutes sombres. C’est tellement laid. Pas assez lumineux.
« Madame Yu, vous n’êtes vraiment pas une bonne maîtresse de maison. N’avez-vous aucune notion
de décoration ? »
Tout en marchant, elle pointait les alentours du doigt comme si elle se trouvait dans son propre
jardin. Les sourcils de Madame Yu tremblaient tellement que Wei WuXian et Jiang Cheng craignaient
qu’elle ne tue quelqu’un à tout moment.
Après avoir terminé sa visite, Wang LingJiao arriva enfin à la grande salle. Sans attendre aucune invitation,
elle se dirigea vers la table principale. Elle s’assit et attendit un moment. Voyant que personne
n’allait la servir, elle frappa la table en fronçant les sourcils, et demanda :
« Où est le thé ? »
Sous ses apparences fastueuses, ses manières étaient loin d’être élégantes.Son attitude était plus
que grotesque. Ayant été témoin de cela déjà sur le trajet, nul ne s’en étonna. Madame Yu s’installa
un rang plus bas. Les larges pans de sa robe et de ses manches se déployèrent, accentuant sa silhouette
mince et la grâce de sa posture. Jin Zhu et YinZhu se tenaient derrière elle, leurs deux visages
ornés d’un rictus discret.
« Il n’y a pas de thé, rétorqua YinZhu. Si vous en voulez, allez en chercher. »
Wang LingJiao écarquilla des yeux, choquée.
« Les serviteurs de YunmengJiang ne font-ils donc rien de leurs journées ?
— Les serviteurs de la secte Jiang ont plus important à faire, répliqua JinZhu. Personne n’est estropié
et n’a besoin de quelqu’un pour des choses aussi anodines que de servir le thé. »
Wang LingJiao les contempla.
« Qui êtes-vous ?
— Mes suivantes personnelles, répondit Madame Yu.
Wang LingJiao réagit avec dédain :
« Madame Yu, votre secte est vraiment impertinente. Ça ne peut pas continuer. Même de simples
suivantes se permettent d’interrompre une conversation dans la grande salle. Des serviteurs comme
ça, on les gifle à la secte Wen. »
“Dire de telles choses, à croire que tu n’es pas toi-même une servante”, remarqua intérieurement
Wei WuXian.
« JinZhu et YinZhu ne sont pas des servantes ordinaires, répondit Madame Yu sans hésitation. Elles
sont à mes côtés depuis mon enfance. Elles n’ont jamais servi qui que ce soit d’autre en dehors de
moi, et personne ne peut les gifler. Personne ne le pourrait, et personne ne l’oserait.
— Madame Yu, de quoi parlez-vous ? Dans une secte proéminente, il doit y avoir une distinction
claire de qui est supérieure et de qui est inférieur, sans quoi ce serait le chaos. Les serviteurs
doivent s’en tenir à rester des serviteurs. »
Madame Yu, cependant, sembla comprendre le sens profond de cette phrase. Elle jeta un regard à
Wei WuXian, et acquiesça finalement, l’air hautain :
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« En effet. »
Elle enchaîna directement :
« Pourquoi avoir enlevé mon disciple ?
— Madame Yu, il est préférable que vous traciez une ligne claire entre vous et ce marmot. Il a des intentions
cachées, mais je l’ai pris la main dans le sac et je l’ai transféré quelque part où l’on s’occupera
de lui. »
Madame Yu haussa un sourcil.
« Des intentions cachées ?
— Quelles intentions cachées pourrait avoir notre plus jeune shidi ? intervient Jiang Cheng.
— J’ai des preuves, prétendit Wang LingJiao. Apportez-le-moi ! »
Un disciple Wen lui apporta un cerf-volant. Wang LingJiao le secoua sous leurs yeux.
« Voici la preuve. »
Wei WuXian éclata de rire.
« Ce cerf volant n’est rien de plus qu’un monstre à un oeil comme les autres. En quoi il constitue une
preuve ?
— Tu crois que je suis aveugle ? ricana Wang LingJiao. Regarde attentivement. »
L’ongle de son index, peint d’un rouge avec des nuances de brun, pointait en divers endroits le cerf
volant, tandis qu’elle analysait avec emphase :
« De quelle couleur est ce cerf-volant ? Jaune. Quelle est la forme du monstre à un oeil ? Ronde.
— Et donc ? s’enquit Madame Yu.
— Donc ? Madame Yu, n’avez-vous pas encore réalisé ? Qu’est-ce qui est jaune et rond ? … Un
soleil ! »
Tout le monde se retrouva bouche bée. Elle poursuivit, triomphante :
« De toutes les options possibles, pourquoi avoir choisi celle d’un monstre à un oeil ? Pourquoi
l’avoir peint en jaune ? Pourquoi cette forme et pas une autre ? Pourquoi cette couleur plutôt qu’une
autre ? Allez-vous prétendre que c’est une coïncidence ? Ce n’en est pas une, bien sûr. Il l’a forcément
fait exprès. Tirer sur un tel cerf-volant, c’est sous-entendre la volonté de “tirer sur le soleil
pour le faire tomber” ! Il veut la chute du soleil ! C’est un grand manque de respect envers la secte
Wen. N’est-ce pas là son intention cachée ? »
Devant son air fier après qu’elle eut élaboré une théorie aussi capillotractée, Jiang Cheng ne put finalement
pas en supporter davantage :
« Même si le cerf-volant est rond et jaune, il n’a rien à voir avec un soleil. En quoi sont-ils ressemblants
? Ils sont totalement différents !
— Dans ce cas, si on suit ton raisonnement, intervint Wei WuXian, alors on ne peut pas manger de
mandarines, à cause de leur forme et de leur couleur. Pourtant je t’ai vue en manger très souvent,
non ? »
Wang LingJiao lui lança un regard noir. Madame Yu reprit, froidement :
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« Donc, vous êtes ici pour une affaire de cerf-volant ?
— Bien sûr que non. Aujourd’hui, je représente la secte Wen et le Jeune Maître Wen pour punir
quelqu’un. »
Le coeur de Wei WuXian manqua un battement.
Sans surprise, l’instant suivant, Wang LingJiao le désigna :
« Sur la Montagne du Ruisseau du Crépuscule, cet avorton a tenu des propos impertinents à l’encontre
du Jeune Maître Wen pendant qu’il se battait contre le Xuanwu Sanguinaire, causant maintes perturbations.
Il a épuisé le Jeune Maître Wen, au point qu’il a failli perdre contre la bête… Il en a
même perdu son épée ! »
En entendant de quelle façon elle avait maquillé la vérité, JiangCheng fut si furieux qu’il éclata de
rire. Wei WuXian se rappela que Jiang FengMian était parti plus tôt dans la journée, et songea : ”Ils
ont sciemment choisi de venir maintenant. Ou plutôt, ils ont volontairement attiré oncle Jiang hors
de la secte !”
« Quelle chance que le ciel ait été du côté du Jeune Maître Wen ! continua Wang LingJiao. Même
sans son épée, il est parvenu à tuer le Xuanwu Sanguinaire et à en ressortir sain et sauf. Mais il ne
peut plus supporter un tel individu ! Aujourd’hui, je viens sous les ordres du Jeune Maître Wen, pour
vous demander, Madame Yu, de le punir sévèrement et d’en faire un exemple pour le reste de la
secte YunmengJiang !
— Maman… tenta d’intervenir Jiang Cheng.
— Tais-toi ! rétorqua Madame Yu. »
Devant cette réaction, Wang LingJiao s’avéra satisfaite.
« Si je me souviens bien, Wei Ying est un serviteur de la secte Yunmeng Jiang, n’est-ce pas ? En
l’absence du chef de secte Jiang, je suis sûre que vous, Madame Yu, saurez quelle est la meilleure
chose à faire. Autrement, si YunmengJiang persiste à prendre sa défense, les gens finiront par suspecter…
que certaines rumeurs… sont bien fondées… Hi ! Hi ! »
Assise sur le siège d’honneur d’ordinaire occupé par Jiang FengMian, elle gloussait en se couvrant
la bouche. Madame Yu la fixa, l’air sombre. Jiang Cheng comprit qu’elle sous-entendait quelque
chose.
« Quelles rumeurs ?! fulmina-t-il.
— Quelles rumeurs ? répéta Wang LingJiao en gloussant toujours. Bien entendu, il s’agit de ces
vieilles affaires de coeur du chef de secte Jiang… »
Voyant qu’une femme pareille osait raconter de telles fables à propos de Jiang FengMian en face
d’eux, Wei WuXian était furieux :
« Tu… »
Cependant, il sentit une vive douleur dans son dos. Il ne put empêcher ses genoux de ployer. Madame
Yu lui avait brusquement asséné un coup de fouet.
« Maman ! » s’écria Jiang Cheng.
Madame Yu s’était déjà relevée, Zidian libérée sous sa forme de fouet, crépitant entre ses mains de
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jade froid.
« Jiang Cheng, hors de mon chemin, où je te ferai t’agenouiller aussi ! »
Wei WuXian essaya de se redresser en s’appuyant contre le sol.
« Jiang Cheng, reste en dehors de ça ! Ne t’inquiète pas pour moi ! »
Madame Yu déchaîna de nouveau son fouet, le remettant à genoux. La mâchoire crispée, elle
cracha :
« … Je l’ai dit il y a longtemps, que tu… sale impertinent ! Que tu causerais des problèmes à la secte
tôt ou tard ! »
Wei WuXian repoussa Jiang Cheng. Il agonisait en serrant les dents, sans un mot ni un geste. Par le
passé, bien que Madame Yu lui avait toujours adressé des paroles dures, elle n’avait jamais été vraiment
cruelle envers lui. Le pire qu’il ait eu à subir se résumait à deux ou trois coups et à être puni.
Sans compter le fait que Jiang FengMian le laissait partir très peu de temps après. Cette fois cependant,
il reçut des dizaines de coups de fouet violents. Son dos le brûlait et son corps tout entier se
retrouva engourdi de douleur. Il lui était difficile de l’endurer, mais il se devait de le faire. Si cette
punition ne satisfaisait pas Wang LingJiao, ils ne tireraient jamais un trait sur cette histoire.
Wan LingJiao admira le spectacle, un sourire aux lèvres. Quand Madame Yu eut fini, elle rétracta
d’un coup Zidian. Agenouillé au sol, le corps de Wei WuXian plongea en avant, comme sur le point
de s’évanouir. Jiang Cheng s’apprêtait à lui venir en aide quand Madame Yu ordonna :
« Reste en arrière. Ne l’aide pas ! »
Jinzhu et Yinzhu le retinrent fermement. Wei WuXian de son côté tint le coup quelques instants
avant de s’effondrer, immobile au sol.
« C’est fini ? s’exclama Wang LingJiao avec surprise.
— Que pensez-vous ?
— C’est tout ? »
Madame Yu haussa les sourcils.
« Comment cela, « c’est tout » ? Savez-vous quel est le niveau d’une arme spirituelle telle que Zidian
? Avec une correction pareille, il ne se remettra pas avant le mois prochain. Cela lui servira de
leçon !
— Mais il finira par guérir, n’est-ce pas ?
— Que veux-tu de plus ?! fulmina Jiang Cheng.
— Madame Yu, continua-t-elle à se plaindre, puisque c’est une punition, il faut qu’il s’en souvienne
et le regrette pour le reste de ses jours, qu’il n’ose plus jamais reproduire la même erreur. S’ il ne
reçoit que ces quelques coups de fouet, il sera de nouveau sur pied après un peu de repos. Quel
genre de punition est-ce là ? Les garçons de son âge sont les plus enclins à oublier la douleur après
la guérison de leurs blessures. Cela ne servirait à rien.
— Qu’avez-vous en tête, dans ce cas ? demanda Madame Yu. Lui couper les deux jambes, qu’il ne
puisse jamais s’en remettre ?
— Le Jeune Maître Wen est clément. Il ne ferait pas quelque chose d’aussi cruel que de lui couper
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les deux jambes. Si rien que sa main droite était coupée, plus jamais il ne demanderait quoi que ce
soit de plus. »
Cette femme ne savait rien faire de plus que de se vanter de ses relations. Avec le soutien de Wen
Chao, elle voulait se venger du coup que Wei WuXian lui avait asséné dans la grotte de la Montagne
du Ruisseau du Crépuscule !
Madame Yu jeta un coup d’oeil à Wei WuXian.
« Lui couper la main droite ?
— C’est cela. »
Yu ZiYuan se leva. Elle se mit à tourner autour de Wei WuXian, comme si elle envisageait cette idée.
Wei WuXian souffrait tellement qu’il ne pouvait même pas relever la tête. Jiang Cheng s’était dégagé
de la prise de JinZhu et YinZhu. Il se jeta à genoux, faisant barrière devant Wei WuXian.
« Maman, maman, je t’en prie, ne fais pas ça… Les choses ne se sont pas du tout passées comme
elle le dit…
— Jeune maître Jiang, est-ce que vous dites que j’affable ? » intervint Wang LingJiao en haussant le
ton.
Sur le sol, Wei WuXian était incapable de se retourner. « Affable? Comment ça, affable ?” Et soudain,
il réalisa, “Elle veut dire affabuler !” Elle était l’ancienne femme de chambre de l’épouse de
Wen Chao. Elle n’avait pas reçu d’éducation et ne connaissait pas beaucoup de mots, mais elle
cherchait volontairement à faire comme si elle avait du vocabulaire. Elle avait utilisé un mot inconnu,
prétendant le connaître, mais l’avait mal utilisé !
La situation actuelle était clairement plus désespérée que jamais, mais généralement, plus une situation
était désespérée, et plus les gens étaient susceptibles de divaguer, au point de s’avérer incapable
de se concentrer sur le moment présent, submergés par toutes leurs pensées erratiques. Ainsi,
Wei WuXian ne put s’empêcher de trouver sa remarque drôle.
Wang LingJiao poursuivit, sans savoir qu’elle s’était ridiculisée :
« Madame Yu, réfléchissez bien. La secte Wen est de toute évidence prête à aller au bout de cette affaire.
Si je ramène sa main coupée avec moi, ce sera largement suffisant et la secte YunmengJiang
s’en tirera saine et sauve. Sinon, la prochaine fois que le Jeune Maître Wen demandera des comptes,
les choses ne seront pas aussi simples ! »
Un éclat froid traversa les yeux de Madame Yu. D’une voix était étrange, elle appela :
« JinZhu, YinZhu, vite, fermez les portes. Ne laissez pas les autres voir le sang. »
Tant qu’il s’agissait des ordres de Madame Yu, JinZhu et YinZhu s’y pliaient, quels qu’ils fussent.
Elles s’agenouillèrent toutes les deux et répondirent : « Oui ! » avant de fermer soigneusement les
portes de la Grande Salle.
Wei WuXian voyait la lumière sur le sol disparaître à mesure qu’il entendait le grincement des battants
se refermant. Il sentait la peur monter en lui. “Ne me dites pas qu’elle va vraiment me couper
la main?”
Jiang Cheng était terrifié. Il étreignit la jambe de sa mère.
« Maman ? Maman ! Que fais-tu ? Je t’en supplie, ne lui coupe pas la main ! »
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Une fois la peur passée, Wei WuXian serra les dents, son coeur se calma… “Qu’il en soit ainsi, alors !
Si c’est en échange de la sécurité de la secte… Une main n’est qu’une main. Merde, dans le pire des
cas, je n’aurais qu’à m’entraîner à l’escrime de la main gauche !!!”
Wang LingJiao frappa dans ses mains.
« Madame Yu, je savais que vous seriez la plus obéissante des subordonnés de QishanWen ! Que
quelqu’un maintienne ce morveux en place !
— Ce n’est pas nécessaire. »
JinZhu et YinZhu s’approchèrent.
« Oh, alors vous demandez à vos servantes de le retenir ? remarqua Wang LingJiao. C’est tout aussi
bien.
— Maman ! Maman écoute-moi ! Je t’en supplie ! Ne lui coupe pas la main ! Si Père l’apprend… »
Tout allait bien jusqu’à ce qu’il parle de Jiang FengMian. À la seconde où il le mentionna, l’expression
de Madame Yu changea.
« Ne me parle pas de ton père ! s’écria-t-elle. Que se fera-t-il s’il l’apprend ? Me tuera-t-il ?! »
— Madame Yu, je vous admire tellement ! s’extasia Wang LingJiao. Je suis sûre qu’à partir de maintenant,
nous nous entendrons bien dans cette branche de supervision ! »
Madame Yu dégagea sa jambe et le pan de sa robe violette que Jiang Cheng agrippait. Haussant les
sourcils, elle se retourna.
« Branche de supervision ? »
Wang LingJiao sourit :
« Exactement. C’est la deuxième raison pour laquelle je suis venue rendre visite à la secte YunmengJiang.
Pour transmettre les nouveaux ordres venant de notre secte QishanWen, concernant
l’établissement de branches de supervision dans chaque ville. À partir de maintenant , je déclare
que le Port aux Lotus est la branche de supervision de la secte Wen à Yunmeng. »
C’était donc pour cela qu’elle venait continuellement au Port aux Lotus, comme si elle était chez
elle. Elle considérait que le Port aux Lotus était déjà une branche de supervision des Wen à Yunmeng!
Jiang Cheng vit rouge et s’exclama :
« De quoi, une branche de supervision ?! C’est ma secte !!! »
Wang LingJiao fronça les sourcils.
« Madame Yu, vous devez discipliner correctement votre fils. Depuis des centaines d’années, toutes
les sectes sont en dessous de la secte Wen. Comment peut-il dire des choses comme “votre secte et
ma secte” devant l’émissaire de la secte Wen ? J’avais hésité au départ. Le Port aux Lotus est si
vieux et de nombreux dissidents en sont issus, pouvait-il vraiment assumer la lourde responsabilité
d’être une branche de supervision ? Mais vu la docilité avec laquelle vous avez suivi mes ordres et
puisque votre personnalité me plaît, j’ai quand même décidé de décerner ce grand honneur à… »
Avant qu’elle ne puisse finir, Madame Yu lui asséna une gifle retentissante.
La claque était choquante, à la fois par sa puissance et le bruit qu’elle avait émis. Wang LingJiao
Mo Dao Zu Shi Tome 1 - Chapitre 57
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avait été giflée avec une telle force qu’elle avait pivoté plusieurs fois avant de finalement tomber au
sol. Du sang jaillissait de son nez. Elle écarquilla les yeux.
Les quelques disciples de la secte Wen dans la salle principale furent aussitôt en alerte. Tous dégainèrent
leurs épées. Avec un geste de la main de Mme Yu, un cercle brillant de lumière violette
jaillit de Zidian. Une grande partie des disciples s’effondra immédiatement .
Avec toute son élégance, Madame Yu s’approcha de Wang LingJiao et la regarda de haut. Soudain,
elle se pencha et l’attrapa par les cheveux. Elle la redressa et, pleine de colère, lui donna une autre
gifle :
« Comment oses-tu?! »
Elle supportait cela depuis trop longtemps. À cet instant, ses traits étaient déformés tandis qu’elle
s’avançait vers Wang LingJiao. Le visage bouffi, Wang LingJiao se mit à crier, mais, sans se retenir
le moins du monde, Madame Yu lui donna une autre gifle, interrompant son cri perçant.
« Avant de frapper un chien, regarde qui est son propriétaire ! Tu fais irruption dans ma secte, et tu
veux punir mon disciple devant moi ? Quel culot, comment oses-tu être si impudente ?! »
Sur ces mots, elle jeta la tête de Wang LingJiao sur le côté. Elle sortit son mouchoir et s’essuya les
mains comme si elle avait touché quelque chose de sale. JinZhu et YinZhu se tenaient derrière elle,
leurs visages arborant un sourire dédaigneux identique au sien. Wang LingJiao couvrit son visage de
ses mains tremblantes, les joues baignées de larmes.
« Comment … Comment osez-vous faire une chose pareille… Ni la secte QishanWen ni la secte
YingchuanWang ne vous laisseront vous en tirer ! »
Madame Yu jeta son mouchoir par terre avant de lui donner des coups de pied en jurant.
« Tais-toi ! Quelle saleté de bonne—ma secte MeishanYu a parcouru le monde de la cultivation pendant
des siècles, et je n’ai jamais entendu parler d’une secte YingchuanWang ! De quel caniveau
cette secte inférieure sort-elle ?! Est-elle composée de créatures telles que toi ? Tu as mentionné la
distinction entre supérieur et inférieur plus tôt ? Alors, laisse-moi t’apprendre ce que ces mots signifient
! Je suis la supérieure, tu es l’inférieure ! »
À côté, Jiang Cheng était en train d’aider Wei WuXian à se relever. Devant la scène qui se déroulait
sous leurs yeux, ils restèrent tous deux muets de stupeur